[Dossier] Faire de CUBE le bras opérationnel de son plan d’action de la transition écologique

Publication : le 28/11/2024

Imaginez : un Immeuble de Grande Hauteur (IGH) de plus de 60 000 m² construit dans les années 70, véritable passoire thermique de plus de 25 étages et 113 mètres de hauteur abritant une dizaine de services de l’État et quelque 2000 agents…Comment réussir une transformation avec ses occupants dans un immeuble complexe ? Le Centre Administratif Départemental des Hauts-de-Seine (CAD) pourrait bien détenir une partie des ingrédients, et le concours CUBE fait partie de la recette.

Le CAD 92 : un candidat historique !

Quand Gauthier Cazor, Directeur adjoint du secrétariat général commun départemental (SGCD) et chef du pôle moyens mutualisés, est missionné en 2020 par le préfet des Hauts-de-Seine de l’époque, M. Laurent Hottiaux, pour mettre en place un plan d’actions de la transition écologique, avec pour point de départ les économies d’énergie, il a bien en tête le concours CUBE.

Et pour cause, le centre administratif des Hauts de Seine avait participé en 2015 à la première édition du concours ! Résultat de la première course : son bâtiment bénéficie de crédits, grâce à une enveloppe de 15000€ qui avait permis de remplacer les 120 blocs de sécurité des sorties de secours du bâtiment par des LED.

Et pour visibiliser cette action auprès des occupants, il surfe sur la popularité croissante de Thomas Pesquet en réalisant une vidéo Google Earth qui zoome sur son bâtiment. Une parodie légère que le célèbre astronaute n’aurait pas décriée !

C’est en pleine édification de son plan d’actions pour des économies d’énergie pour le « CAD » que Gauthier Cazor reçoit une communication sur l’édition 2022-2023 du concours CUBE Paris La Défense. Les membres de l’équipe préfectorale connaissent cette formule gagnante : la décision de participer n’a besoin que de cette impulsion, en plus du contexte environnemental et de toutes ses injonctions. Concourir à nouveau, c’est l’occasion de mettre en place des actions, en tirer des enseignements, s’en servir de leviers et atteindre les objectifs bas carbone. Résultat de cette deuxième participation : un trophée dans la catégorie immeuble de grande hauteur, avec 14,6% d’économies d’énergie cumulées pendant l’année de concours, et quasiment 10% d’émissions de gaz à effet de serre évitées !


En 2024, à l’invitation du Commissariat Général au Développement Durable, de la Direction de l’Immobilier de l’État et du Cerema, l’aventure se poursuit dans le concours CUBE État. Cette invitation lève le frein budgétaire, ce fameux nerf de la guerre pour agir et avancer. A fin août de ce cette compétition dédiée aux administrations centralisées et déconcentrées et aux opérateurs de l’État, le centre administratif départemental est sur le point de franchir les 11% d’économies d’énergie. Mis bout à bout, ces progrès constants année après année sont aussi réjouissants qu’impressionnants. Pour rappel, le concours propose de se battre contre une courbe de références calculée sur la base des consommations des trois dernières années. Quand on reconduit sa participation, la courbe est recalculée en intégrant l’année passée dans le concours : on se bat dès lors contre ses propres progrès.

Les ambassadrices et ambassadeurs CUBE : le premier levier d’action

Dans un contexte interministériel, communiquer auprès des occupants représente un défi, notamment sur l’identification des meilleurs canaux : l’intranet comme les listings de mail connaissant des limites. La clé du succès réside dans la mobilisation, dans chaque administration, d’ambassadrices et ambassadeurs de la transition écologique motivés, proactifs, à-même de fédérer leurs collègues autour du projet.

Le succès d’une telle mobilisation tient à la légitimité hiérarchique et fonctionnelle d’un référent dont le parcours professionnel atteste d’une excellente culture du mélange administratif. En 2024, après une réorganisation du secrétariat général commun départemental des Hauts-de-Seine (SGCD 92), Gauthier Cazor, identifié comme pilote du bâtiment en sa qualité d’adjoint au directeur du SGCD 92 chargé de la transition écologique , dispose d’un précieux soutien : c’est le préfet lui-même qui a signé une lettre à l’attention de tous les directeurs des administrations occupantes les invitant à recruter en leur sein les meilleurs ambassadeurs de la transition écologique pour l’entourer.

« Nous avons fait un appel à candidatures. Les ambassadeurs sont des personnes très impliquées, volontaires, sans forcément de compétence technique ou logistique : c’est justement pour cela qu’ils sont les meilleurs porte-parole du plan climat et du concours CUBE, à la machine à café, au restaurant administratif, lors de la pause déjeuner, ou dans des instances plus formelles (Codir, dialogue social, …) quand il faut rappeler aux collègues ou à la hiérarchie l’existence du plan départemental et de communication de la transition écologique de l’Etat (PACTE 92) et des mesures mises en œuvre en faveur des mobilités, de la réduction des consommations d’énergie, du tri sélectif ou lorsqu’il faut faire des choix budgétaires dans la commande publique (respect des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics, préservation de la biodiversité, verdissement du parc automobile). »

Les ambassadeurs sont avant tout sollicités sur une base volontaire, un principe essentiel pour garantir l’adhésion.  Après tout, il s’agit aussi de valoriser leur implication, car leur rôle exige du temps, de l’engagement et une capacité à innover, une posture quasi entrepreneuriale : la démarche CUBE se positionne comme une véritable innovation sociale, un accélérateur méthodologique, favorisant des dynamiques collaboratives.

Une fois son équipe constituée, Gauthier Cazor la dote d’un rôle central dans la réussite de la mission : partager l’information, encourager les écogestes, entretenir et maintenir l’élan dans chaque administration, tout en participant activement à la construction du Plan d’Action et de Communication de la Transition Ecologique (PACTE). CUBE devient le parfait catalyseur pour animer ce réseau d’alliés à l’échelle du bâtiment.

Trouver le ton  

L’objectif est que chaque administration puisse prendre la main. Des réunions sont organisées avec une mise à niveau de l’information pour que chacun puisse donner ses idées, recueillir des avis, identifier les actions incontournables et les actions négociables, pour préparer l’aide à la décision en phase avec la hiérarchie. Les ambassadrices et les ambassadeurs engagent le dialogue, communiquent sensibilisent et accompagnent les occupants chacune et chacun dans son réseau au sein de son administration.

Pour sensibiliser, une animation par mois est proposée aux occupants. Parmi les bonnes idées pour les impliquer : un concours photo sur le thème de la biodiversité avec remise de prix, ou un concours du pull le plus moche en saison de chauffe ! La convivialité est la clef, et, donne une belle impulsion : elle est déjà bien présente au sein de l’équipe rapprochée des ambassadrices et des ambassadeurs.

Le CAD 92 lâche les freins

Alors que fait-on dans CUBE avec un IGH avec de grands défis énergétiques ? Les freins sont là. Peu de place à la proactivité : la vétusté du bâtiment contraint à une maintenance corrective et on court surtout après les réparations, avec une main d’œuvre insuffisamment nombreuse avec souvent des compétences trop sectorisées.

Ajoutez à cela la particularité de la participation du CAD 92 en 2024/2025 qui s’inscrit à la veille de grands travaux de rénovation du bâtiment. Dès lors, les dépenses nécessaires à la transition écologique à court terme ne garantissent pas systématiquement un retour sur investissement avant le premier coup de pioche de la rénovation… et changer des milliers d’ampoules, cela représente des milliers d’euros.

« CUBE est un levier pour faire les dépenses les plus justes. »

Quoi qu’il en soit, pour Gauthier Cazor, la planification de travaux importants ne doit pas contrevenir à la recherche du juste confort des occupants, et le concours CUBE est un levier à moindres frais pour maintenir la dynamique dans une période de transition. Les écogestes déménageront avec les occupants… et reviendront avec eux pour tester en usage le bâtiment une fois rénové !

Ingénieurs et ingénieux

Outre un joli relamping, la prouesse du CAD 92 réside dans un judicieux tour de passe-passe technique sur le chauffage. Le chauffage aéraulique pose historiquement de nombreux problèmes dans le bâtiment : l’air est capté au rez-de-chaussée, il est mélangé avec l’eau chaude sous pression du chauffage urbain, puis il passe par les échangeurs dans les sous-sols, est propulsé avec des pompes jusqu’au 26e étage où se trouvent d’impressionnants locaux techniques de 8m de hauteur abritant des centrales de traitement d’air (CTA) monumentales. L’air, qui a perdu quelques degrés dans l’ascension, est à nouveau propulsé dans les étages avec de grands ventilateurs à grands frais de consommation électrique, descend jusqu’au 4e étage, se diffuse dans les faux plafonds, se rafraîchît au passage de chaque étape et au final ne parvient pas à réchauffer les bureaux. En effet, « à bout de souffle » l’air se diffuse par des grilles situées dans les faux plafonds juste au-dessus de grandes baies vitrées glacées en hiver … en simple vitrage ! Pour se faire une idée des contraintes thermiques du bâtiment, avec ce système de chauffage aéraulique il peut y avoir une amplitude thermique de 10 °C entre le 24ème étage à 24°C et le 4ème étage à 14 °C, trop chaud pour des locaux techniques, trop froid aux étages occupés par des espaces de bureau… tout cela avec un système aéraulique très consommateur d’électricité.


Et là : l’astuce ! CUBE est l’occasion de tester des scénarios, et de remettre en service le système de chauffage statique, datant de la construction, qui n’est plus utilisé depuis plusieurs années avec la légende de ne plus être fonctionnel. Gauthier Cazor et ses équipes veulent en avoir le cœur net, et pour cause : le système statique qui circule sous les baies vitrées est nettement moins consommateur, il compense l’absence d’étanchéité et d’isolation grâce au tuyau alvéolé qui passe sous les fenêtres. Résultat : cela crée un rideau d’air chaud devant les baies vitrées qui empêche le froid de rentrer et réchauffe la pièce. C’est bien connu, la chaleur monte ce qui permet de tirer tout l’avantage du réseau statique de chauffage. En effet, l’eau chaude qui alimente ce réseau est réchauffée dans les échangeurs qui se trouvent dans la sous station située au niveau -3 et remonte grâce à des pompes du sous-sol jusqu’au 24ème étage. La température est plus stable, plus homogène… Pari gagnant. Le système statique marche très bien et il est beaucoup plus économe !


Deuxième découverte en passant : la pratique en cours pour les consignes est le on/off, avec un démarrage du chauffage le 15 octobre quelle que soit la température constatée dehors, et une coupure le 15 avril quoi qu’il advienne. Désormais, dans le CAD, le système est coupé aux horaires non occupés ; l’aéraulique, qui sert à renouveler l’air, est arrêté si la température extérieure est de 20°C ; le chauffage statique est quant à lui allumé sur la base du besoin, et couplé avec un renouvellement d’air aux horaires où il fait le plus chaud. On n’utilise pas d’air froid, la régulation des températures se fait par le renouvellement d’air notamment la nuit aux horaires les plus fraîches en appliquant la Loi d’eau.
Un ordre de grandeur ? La dépense énergétique est divisée par 10, et on partait d’un nombre à six chiffres.

« Plus qu’à » sensibiliser ?

La créativité est au rendez-vous. Qu’il s’agisse du sens de la formule, d’animation et d’un peu de temps passé en montage photos et vidéos : Gauthier Cazor déploie avec son équipe des trésors d’imagination ! Vidéos de vulgarisation, ordres de grandeur chiffrés pour comprendre les gains grâce à des ratios lisibles par tous, petits slogans à propos : la loi LOLF demande de justifier la dépense dès le 1er euro ? Dans CUBE, on justifie les consommations au 1er Watt ! Les idées ne manquent pas : fête des voisins de bureaux, prêt de bureau dans certains services pour le confort en période de vacances, logo, identité visuelle…

Toutes les occasions sont bonnes à prendre pour informer des actions en cours, de leur but et de leur résultat. A cet égard, les classements CUBE sont un outil précieux, et la dynamique sous-tend un champ d’action plus large, embrassant les leviers de la mobilité, de l’alimentaire, de la biodiversité.

Dans le bureau du Directeur adjoint du secrétariat général commun départemental chargé de la transition écologique, une frise du climat co-élaborée avec l’aide des ambassadrices et des ambassadeurs de la transition écologique et le Cerema témoigne de ce parfait esprit CUBE : collaboratif, ambitieux et tourné vers l’action !

Est-ce suffisant ? Gauthier Cazor confie avoir parfois douté de trouver le moyen de parcourir le dernier kilomètre, malgré une communication ludique, régulière et généreuse. Pas de découragement : il passe à la vitesse supérieure et rédige un plan de communication pour présenter un plan d’action en trois volets : le long terme, c’est-à-dire la rénovation ; le moyen terme, à savoir les travaux de prévention de l’obsolescence du CAD sur les infrastructures en avance de phase de la rénovation ; et le court terme, soit les actions quotidiennes et notamment CUBE Tertiaire et CUBE État.

La feuille de route ?

En 2019, le chauffage, l’électricité et la climatisation représentaient dans ce bâtiment une consommation annuelle de plus de 16 GW, soit seize réacteurs nucléaires. En 2023, ils sont passés à 12GW soit une réduction d’un quart de leurs consommations. En 2024, encore 1 GW est économisé en un an. C’est en rêvant grand qu’on vise haut : Gauthier Cazor veut passer sous la barre des dix GW en 2025 dans la dernière année précédant la rénovation.

Et quand on lui demande ce qu’il compte faire après CUBE, la réponse fuse :

Il n’y aura pas d’après CUBE. On continuera CUBE. CUBE, c’est le bras opérationnel de son plan d’action de la transition écologique, et ça marche !