Bâtiments tertiaires : comment répondre aux nouvelles obligations de rénovation ?

Publication : le 05/02/2020 à 11 h 13 min

actu environnement

Le décret tertiaire vise une baisse de la consommation énergétique finale de 40 %, 50 % et 60 % en 2030, 2040 et 2050. Définir un plan d’actions, aux temps de retour sur investissement les plus courts, figure parmi les bonnes pratiques des acteurs.

En France, les bâtiments du secteur tertiaire représentent près de 940 millions de m2, dont 380 millions de m2 pour les bâtiments publics. Ces bâtiments ne représentent qu’un quart du parc des bâtiments existants. Toutefois, ils sont responsables, aujourd’hui, d’un tiers des consommations énergétiques finales et d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur immobilier. Pour inverser la tendance et contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone de la France, un décret impose aux gestionnaires de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² de réduire leur consommation d’énergie finale de 40 %, 50 % et 60 % respectivement en 2030, 2040 et 2050, par rapport à 2010 (ou une année de référence plus récente).

Un rythme de rénovation à accélérer

Pour anticiper cette obligation de rénovation du parc tertiaire, des initiatives volontaires ont été engagées ces cinq dernières années par les promoteurs immobiliers, via la charte tertiaire portée par le Plan Bâtiment durable, et le concours Cube 2020 organisé par l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb). Malgré ces démarches volontaires, le rythme de rénovation est trop lent. Le baromètre 2019 de l’Observatoire de l’Immobilier durable (OID) montre des progrès qui « ne sont pas en phase avec la trajectoire de réduction des consommations fixée par le décret tertiaire ». Pour les bureaux, qui font l’objet d’un suivi plus poussé car les données énergétiques ont été collectées dès 2012, l’OID observe une baisse annuelle de 1,6 % de la consommation énergétique depuis 2010. En 2019, la consommation d’énergie finale des bâtiments de bureaux audités se situe à 179 kilowat-theures par m2 par an (kWhEF/m²/an), soit une réduction de 2 % par rapport à 2018. Une baisse encourageante mais pas suffisante. L’OID estime qu’il faudrait atteindre une baisse moyenne annuelle de 3 % pour respecter l’objectif de -40 % de consommation en 2030.

La tendance qui illustre l’exercice des bureaux « est un message applicable à toutes les familles des bâtiments tertiaires, où l’on réalise vraiment l’ampleur des actions de réductions des consommations à venir », souligne Oriane Cébile, responsable des projets et coordinatrice de l’OID.

Première étape : privilégier les actions à TRI rapide

L’OID reste néanmoins confiant sur la capacité des acteurs à parvenir à respecter le premier objectif fixé en 2030 : « Techniquement, atteindre 40 % de réduction des consommations énergétiques est faisable par les acteurs à condition de s’y mettre dès à présent. Surtout que le décret permet de mutualiser l’atteinte de la performance à l’échelle d’un parc immobilier », indique Oriane Cébile.

Une réduction de l’ordre de 20 % des consommations énergétiques peut être atteinte rapidement en travaillant sur l’optimisation de l’exploitation du bâtiment et la modernisation des systèmes techniques.  
Hélène Bru

Les retours d’expériences, issus des signataires de la charte tertiaire et des candidats du concours Cube 2020, recueillent les bonnes pratiques et les actions à privilégier. Définir un plan d’actions qui « mobilise l’ensemble des leviers » est nécessaire pour réduire les consommations, soulignent l’OID et l’Ifpeb. Les actions d’économie d’énergie à entreprendre ne sont pas limitées à la rénovation du bâti mais sont étendues à la qualité et à l’exploitation des équipements consommateurs, ainsi qu’à la sensibilisation des occupants pour maîtriser les usages. Cédric Borel, directeur de l’Ifpeb, met en avant la mise en place d’actions « simples », à un temps de retour sur investissement rapide (TRI) (inférieur à trois ans), grâce à l’optimisation de la régulation et de la maintenance des systèmes (pilotage énergétique, gestion technique du bâtiment, ajustement des températures, « relamping LED », etc.) mais aussi les éco-gestes des occupants mobilisés. Déployer ce type actions « pendant les premières années » est également préconisé par Vianney Raskin, fondateur de la société Citron, spécialisée dans le conseil en efficacité énergétique. « Ainsi, les économies réalisées pourront financer les actions à temps de retour sur investissement longs ».

Seconde étape : moderniser les éléments techniques

Une réduction de l’ordre de 20 % des consommations énergétiques peut être atteinte rapidement en travaillant sur l’optimisation de l’exploitation du bâtiment et la modernisation des systèmes techniques, estime Hélène Bru, responsable du pôle bâtiment et énergies renouvelables chez GreenFlex. Cédric Borel table jusqu’à 30 % de gains énergétiques générés sur la « partie technique ». De son côté, Oriane Cébile, de l’OID, estime que 10 à 30 % du potentiel d’économie d’énergie peut être réalisé « uniquement au travers de la sensibilisation des locataires aux bonnes pratiques et grâce à la mise en place d’une gouvernance environnementale et énergétique partagée entre preneur, bailleur et exploitant ».

13 % C’est, en moyenne, la réduction des consommations énergétiques qu’atteint un bâtiment de bureaux rénové dans les dix dernières années, par rapport à un bâtiment-type.

Le remplacement d’une chaudière, la rénovation thermique de l’enveloppe ou le changement du système climatique, font partie des actions de réduction des consommations à temps de retour sur investissement longs (plus de quatre ans). Atteindre les objectifs à plus long terme de -60 % des consommations en 2050 nécessitera de mettre en œuvre « une rénovation lourde » du bâtiment, souligne Thomas Caillard, responsable ingénierie chez ARP-Astrance, cabinet de conseil en immobilier. « Il faudra penser le bouquet d’actions d’amélioration en intégrant les notions de confort adaptatif et de changement climatique par le biais de simulations dynamiques », prévient M. Caillard.

Le recours aux énergies renouvelables est, quant à lui, encore limité : « Quelques acteurs mesurent la production issue de la biomasse ou des panneaux solaires photovoltaïques, mais cela reste anecdotique à ce stade », indique Oriane Cébile.

Autres approches pour répondre au décret tertiaire

Un bâtiment existant ne faisant pas l’objet de travaux lourds mais d’aménagements légers, peut bénéficier d’un « rétro-commissionnement », souligne Cédric Borel. C’est-à-dire une optimisation fine des plages de fonctionnement des équipements au plus proche des conditions d’occupation de l’immeuble. La mise en place d’un système de management de l’énergie (SME) selon la norme ISO 50001, complémentaire à l’audit énergétique, est aussi « adaptée aux objectifs découlant du décret tertiaire », ajoute Vianney Raskin. Le déploiement des actions d’économies d’énergie peut se faire aussi à l’aide d’un « Energy Manager », en charge du suivi énergétique du parc.

 

Par Rachida Boughriet.